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Violence conjugale : Pourquoi on ne part pas ?


Au Québec, en 2022, un peu plus de 25 000 personnes de tous milieux sociaux, économiques ou culturels ont été victimes de violence conjugale. Bien que la violence conjugale soit universelle et touche tous les genres, 3 victimes sur 4 sont des femmes.


Pourquoi toutes ces victimes ne partent pas ? Qu’est-ce qui retient ces personnes auprès d’un conjoint ou conjointe qui leur fait du mal ?


Ces personnes peuvent penser qu’il s’agit d’amour, elles sont violentées, mais elles aiment. Elles veulent porter plainte, mais finalement elles l’a retirent parce que ce n’est pas si grave, parce que ça ne va plus se reproduire, parce qu’il y a également des bons moments.


L’emprise c’est cela : « un état de soumission et de dépendance qui provient des effets de la dévalorisation, d’humiliation et de violences psychologiques[1] » 


Lorsqu’une personne est sous emprise, elle devient parfois étrangère à elle-même. Cela entraîne un état de sidération. La personne ne comprend pas ce qui lui arrive ni comment réagir face à un acte de violence de la part du/de la conjoint(e). Cela entraîne un état de stress intense et une impossibilité de contrôler ses réactions émotionnelles. La victime est déconnectée de ce qu’elle est en train de vivre et de ressentir, ce qui l’empêche de prendre des décisions rationnelles pour sa sécurité et son bien-être. Cet état permet plus facilement à l’agresseur de convaincre la personne de rester.


Un autre symptôme de l’emprise est le fait que la tête et le corps de la victime se souviennent continuellement des agressions qu’ils ont vécus, ce qui plonge la personne dans un état de peur permanente qui empêche également de partir. C’est ce qu’on appelle la mémoire traumatique.


La violence conjugale et le phénomène d’emprise peut être expliqué par un cercle vicieux. Celui de la violence. Il est divisé en 4 phases : un climat de tension, une explosion de la violence, une justification et enfin le retour de la lune de miel.

La première phase est celle de la tension. Elle monte progressivement ce qui crée un climat de peur et d’anxiété pour la victime. Durant cette période, les agressions sont principalement psychologiques sous la forme de reproches, d’humiliations, de remarques.


La seconde phase est celle de l’explosion de la violence. Généralement, elle ne dure pas longtemps, mais elle est très intense et très destructrice pour la victime. Les agressions sont psychologiques mais aussi physiques et sexuelles. C’est principalement durant cette phase que la victime se retrouve en état de sidération, en incapacité de comprendre et de réagir à ce qu’elle est en train de vivre.


La troisième phase est celle de la justification. L’agresseur se justifie et tente de convaincre la victime que ces actes ne se reproduiront plus et qu’elle est responsable de ce qui est arrivé. De son côté, la victime tente de trouver une explication à la violence qui lui a été infligée. Elle tente de se convaincre qu’elle a une part de responsabilité dans cette explosion de violence.


La quatrième phase est une lune de miel. L’agresseur s’excuse de son comportement et redevient le conjoint ou la conjointe que la personne a connu(e) au début de leur histoire. Il redevient alors gentil et charmant ce qui donne espoir à la victime de retrouver une relation saine.

Il est important de noter que cette phase est tout aussi violente que les précédentes. L’agresseur redevient « gentil » pour reprendre le contrôle sur sa victime.


Au fur et à mesure du temps, les phases de violence sont de plus en plus longues et les phases de lune de miel sont de plus en plus courtes. Lorsque l’emprise est ancrée depuis longtemps, il est possible qu’il n’y ait même plus de phase de réconciliation, car l’agresseur sait que sa victime ne va pas partir.

Les différentes phases peuvent être aléatoire et très subtile. Il existe également des formes de violence où les phases sont difficiles à reconnaitre voir même inexistante.


En général, quand le sujet des violences conjugales est abordé, nous pensons directement à de la violence physique ou psychologique. Il existe en réalité d’autres formes de violence tel que la violence sexuelle (envoie de photos, vidéos, message à caractère sexuel sans consentement, rapport sexuel non consenti, exhibitionnisme, voyeurisme, etc. ), économique (contrôle financier imposé, surveillance accrue du budget, privation de la carte d’identité, dépendance financière forcée) ou verbale (le sarcasme, les insultes, les propos humiliants, les ordres et hurlements).


Comment aider une personne victime de violence conjugale ?

Comme expliqué précédemment, les victimes de violence conjugale ne sont pas toujours en mesure de sortir du cercle vicieux et de la relation dans laquelle ils sont installés.


Essayer de convaincre la personne de partir est une solution dans les faits, mais la plupart du temps, les proches s’exposent à des conflits avec la personne victime et risque d’être écartés de leur vie. Cette situation d’isolement renforce la proximité avec l’agresseur et donc les moments où il risque de s’en prendre à la personne.


Pour aider celle-ci, il est important de maintenir un lien de proximité et de confiance. La victime doit pouvoir compter sur une personne privilégiée si elle demande de l’aide ou si elle a besoin de se confier. Ensuite, il faut respecter son rythme. Pour que la victime puisse sortir définitivement de cette relation toxique, il faut qu’elle soit prête à franchir les étapes. Il est inutile de l’obliger à porter plainte si elle n’est pas prête à reconnaître qu’elle est victime de violence. Pour pouvoir aider la personne au moment où elle sera prête, il est important de se renseigner sur les services d’aide au préalable. Comme cela, au moment venu, la personne proche saura quoi faire et pourra apporter son aide sans attendre.


Quoi faire si vous êtes victime de violence conjugale ?

Pour qu’une personne victime de violence puisse se libérer de son bourreau. Il est important qu’elle identifie la forme de violence dont elle est victime, il faut également qu’elle soit soutenue par des proches et qu’elle brise son isolement si elle en est victime. Même si ce n’est pas facile, il est important de faire constater ses blessures par un médecin avant de porter plainte et de partir du foyer.


Voici quelques ressources disponibles :

       

  • La Jonction pour Elle est une ressource d’hébergement spécialisée en intervention, promotion et prévention en matière de violence conjugale. Lien : https://jonctionpourelle.com/ 

  • Partage au Masculin est un organisme communautaire dont la mission est d'offrir en Chaudière-Appalaches des services adaptés aux besoins d’écoute, d’aide et d’entraide d’hommes âgés de plus de 18 ans.  Lien : https://partageaumasculin.com/



Par Camille Biot, étudiante en psychologie, université de Louvain



Sources


[1] Rome, I ( 2022)

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